« La Rousse, elle sait plus ce qu’elle dit ! »

 

 

 

Selon La Rousse, les sciences : « n.f. (lat. scientia, de scire, savoir). Pl. 1. Disciplines ayant pour objet l’étude des faits, des relations vérifiables. »

Peut-être faut-il une petite justification des raisons pour lesquelles j’ai pris les définitions dans La Rousse. Ben, non ! C’est juste que j’avais que ça et que je ne voulais pas chercher ailleurs. Je voulais partir de définitions simples, basiques, communes…

Donc les sciences, de base, sont des savoirs. Mais plus particulièrement un ensemble de disciplines qui étudie les faits et/ou les relations vérifiables (est-ce la même chose ?).

Qu’est-ce que les faits ? Fait : « n.m. (lat. factum) 2. Ce qui est fait, ce qui existe ; réalité. Le fait et la théorie. »

Ben c’est simple «les faits » sont «le fait » au pluriel. Or le fait c’est ce qui existe. Donc l’ensemble des faits est l’ensemble de ce (ou de ceux ?) qui existe, soit la (ou les ?) réalité. Donc les sciences étudiant les faits, ont la prétention de mettre à jour la réalité, ineffable, absolu…et non pas une réalité d’un certain point de vue, d’un certain angle.

Vous me direz qu’il n’y a pas «la » ou «une » devant réalité dans la définition de fait.

La Rousse fait semblant ne pas s’impliquer…avec sa définition de ce qui existe, excluant toutes notions de perception dans l’idée de fait et de réalité. Il y a ce qui existe, et donc ce qui n’existe pas nous dit La Rousse. Il y a La Réalité et… l’imaginaire ?

Mais La Réalité, telle qu’on l’appelle, par qui est-elle perçue, puis exprimé…et pour nous Homo sapiens verbalisée (entre autres !) ?  L’éthologie a développé l’idée d’Umwelt, c’est à dire le monde propre d’une espèce, d’un individu. Ce monde propre est le monde « intérieur » constitué par l’ensemble des faits perçus et signifiants pour l’animal considéré. L’animal ne peut percevoir au-delà de ses organes sensoriels. Nous ne vivons pas, par exemple, dans un monde à haute fréquence, un monde d’ultraviolet…dans l’eau…cela ne veut pourtant pas dire qu’ils n’existent pas. Ce qui fait parti de ma réalité n’est pas perceptible par l’autre, donc pas concevable… ça n’existe pas chez l’autre. La réalité m’est propre…or je suis un être fini, avec un temps d’existence…. loin d’être infini, absolu, commun à personne. Il en est de même pour ma réalité…que je peux appeler la réalité mais relative.

On pourrait me dire que justement l’Homo sapiens est capable de détecter l’existence de faits hors de son champs de perception, tels que les ultraviolets, les hautes fréquences… et donc il peut prétendre à la mise à jour de l’ensemble des faits existants, soit La Réalité. Mais, bien sûr, l’Homo sapiens détecte des faits hors de son monde propre. Mais déjà cela ne veut pas dire qu'au quotidien il vive dans ce monde…il n’en reste pas moins limité par ses organes des sens. De plus il n’a pas grandi avec ces « autres réalités », qui l’auraient « formé ». Il peut imaginer, prouver l’existence de phénomènes qui auparavant ne lui étaient pas accessibles…mais dans tous les cas il les traduit en langage sensoriel humain, compréhensible et perceptible…adapté à son monde propre. Il a adapté, il a construit les «outils détecteurs de phénomènes » en fonction de ses organes des sens. Et même s’il mettait des prothèses pour percevoir d’autres éléments inaccessibles habituellement, il faudrait que son cerveau traite au quotidien des informations qu’il ne connaît pas. Là pour régler le problème on a deux alternatives : soit faire grandir des enfants dès le plus jeune âge, voir dès la naissance (c’est pire et sûrement plus efficace !), avec des prothèses changeant les modes de perception, et ainsi le système nerveux se construirait sur ce monde (si c’est possible !), il ne resterait plus qu’à s’adapter (si c’est possible !), ou à mourir (si c’est possible !); l’autre alternative est tout aussi enviable, ce serait l’implantation d’autres prothèses dans le cerveau pour permettre d’analyser les informations transmises par les prothèses sensorielles…Homo sapiens prothèsis. On est encore très loin de cela, si jamais on y arrive, ce qui ne me fait pas rêver…exploitons plutôt nos sens !

Donc l’Homo sapiens sapiens, lui comme les autres, vit dans un monde propre où l’ensemble des faits qu’il perçoit, lui construit une réalité propre partagée par personne d’autres. Ou en tout cas jamais complètement partagée ! Il n’y a pas de notion d’absolu dans la définition et dans l’utilisation de réalité…il y a plutôt des notions de singularités… plus ou moins proche de celle des autres… de multitude.

Les sciences étudient donc l’ensembles des faits perceptibles par Homo sapiens. Elles peuvent à la limite prétendre à l’accès d’une certaine réalité propre à l’espèce humaine, et dont certains faits peuvent se retrouver chez d’autres espèces…qui deviendront connaissance mais pas vécu.

Ainsi La Rousse a voulu nous faire croire, ou en tout cas à cru que La Réalité existait…ou besoin humain d’être le centre de l’Univers, dont seul l’Homme peut toucher du bout des doigts La Réalité ?

Au fait elle dit quoi La Rousse à propos de réalité. Le mot réalité renvoi sur réel (ce qui est relatif au réel !) alors je donne juste la définition de réel : « n.m. Ce qui existe effectivement, ce qui arrive en fait. Le réel et l’imaginaire. » ca tourne en rond comme ce serpent qui se mord la queue. Les uns servent à définir les autres… c’est confus. Alors essayons de savoir ce qu’est exister : « v.i. (lat. existere). 1. Etre actuellement en vie ; vivre. 2. Faire partie de la réalité. Cette coutume n’existe plus. La cigarette n’existait pas au Moyen-Age. » La multiboucle est bouclée. Mais là La Rousse est pris en flagrant délire, elle a écrit la réalité .

Mais y a là un truc en plus ! Le temps, ou plus précisément l’entre-temps : le présent. Faire partie de la réalité c’est être dans le présent.. Ce qui est passé est révolu, n’existe plus. Le souvenir et la mémoire ne font plus parti du réel. Et ce qui est à venir fait parti du possible, de l’anticipé, du désir, exclu du réel. La Rousse ne prend pas les désirs pour des réalités. Ce qui existe, le réel et le fait (qui sont un tout bien ficelé !) sont « présent », donc éphémère, pris entre passé et futur. Le présent est en perpétuel changement. Ce côté éphémère leurs retire un peu d’absolu, de définitif et de fixe. Curieusement La Rousse nous donne tout et son contraire. La réalité c’est le présent. Et en même temps elle est unifiée hors du temps…absolue. On ne sait qui, quoi ou que croire. En tout cas les définitions montrant tout et leur contraire, me permette d’avancée (c’était un prétexte !) que la réalité des définitions ne dépendent que de moi, de l’intérêt que j’y porte, et qu’elles varient selon mes besoins qui sont différents de ceux des autres.

La Réalité, elle, n’existe pas, seul moi construit ma réalité par ce que je suis, par les autres et par l’environnement…elle se construit et tisse des fils avec les autres qui peuvent lui donner un parfum d’Absolu, d’Unique (ta mère !)… possédant le monde.

Pour récapituler, les sciences démontrent La Réalité…mais elle n’existe pas. Elles déifient en fait notre monde propre d’Homo sapiens sapiens, le mettant au rang d’Absolu et d’Universel (les scientifiques aiment bien ce dernier mot en général). Les sciences adulent la subjectivité humaine sous couvert d’une Objectivité démonstratrice existante hors de tout… appellée plus communément Dieu pour les chrétiens…mais je crois que les autres cultes auront compris de qui je parlais).

 

Au départ j’étais parti avec l’idée que la définition de science ferait apparaître le mot objectivité, ou du moins quelque chose s’y rapportant. Ben ouais, parce que les scientifiques ont la prétention d’être objectif, comme si c’était possible ! J’ai été déçu… qu’à moitié. Je n’ai pas trouvé d’objectivité, mais j’y ai trouvé la réalité. Mais essayons quand même d’aller voir si ce n’est pas dans objectivité que je retrouverais science.

Objectivité : « n.f. 1. Qualité d’une personne qui porte un jugement objectif, qui sait faire abstraction de ses préférences (par oppos. à subjectivité). 2. Qualité de ce qui est conforme à la réalité, de ce qui décrit avec exactitude (par oppos. à subjectivité). »

Et, un p’tit dernier pour la route, objectif,ive : « adj. (lat. objectus, placé devant). 1. Qui existe indépendamment de la pensée (par oppos. à subjectif). La réalité objective. 2. Qui ne fait pas intervenir d’éléments affectifs ou personnels dans ses jugements ; impartial. 3. Dont on ne peut contester le caractère scientifique. » Un peu long le dernier, mais y avait plein de trucs marrants.

Ah ah dans objectivité et dans objectif on retrouve La Réalité si chère aux sciences, mais aussi dont on ne peut contester le caractère scientifique. Donc l’objectivité est ce qui est réel et scientifique. Les sciences montrent La Réalité. Or La Réalité n’existe pas donc l’Objectivité non plus ! ! ! En est la preuve la phrase « Qui ne fait pas intervenir d’éléments affectifs ou personnels… »… comme si c’était possible de se séparer de notre affectivité, de ce qui nous constitue.

Si ma pratique des sciences se fait par le biais de ma réalité et ne démontre que ma réalité, qu’en est-il de mon objectivité. Y a-t-il l’Objectivité, ou mon objectivité par rapport à mon champs de perception ? Je sais ce n’est pas très objectif comme façon de poser la question ! Objectif ? Si être objectif c’est exister en dehors de la pensée, l’objectivité ne serait que pulsionnelle, réaction instantanée… et encore ! La subjectivité, l’opposé de l’objectivité, serait la pensée, le raisonné. Or les sciences sont le raisonnement du monde humain. Donc les sciences sont subjectives, c’est à dire liées aux perceptions propres aux Homo sapiens sapiens. La Rousse nous dit que les sciences sont objectives en nous démontrant le contraire. Balèze La Rousse.

 

Les scientifiques prétendant à l’Objectivité, et donc à l’accès à la Réalité sont pris dans des enjeux personnels non-scientifiques dont on ne peut se détacher. En tant qu’être vivant, limité par mes perceptions,  mon monde est subjectif et ne parle qu’à moi. Et moi je peux vous dire ce qu’il me dit. Si on a des zones de connexion entre nos mondes propres on pourra peut-être se comprendre.

Les hommes devraient faire un pas en avant en se détachant de ses mythes de Réalité et d’Objectivité, en accueillant la richesse des réalités multiples, la connaissance de soi et de l’Autre (au sens giga-large). Tendre à la « conscientisation »* de notre monde propre d’Homo sapiens et d’individu, notre subjectivité…

Ah au fait le réel est opposé à l’imaginaire. Et l’objectivité qui est le réel, est opposé  à la subjectivité. Donc le pas en avant se fera avec pleins d’imagination.

 

*conscientisation : « 1. n.f. mot inventé par Odon (responsable du service technique de la télévision publique malgache) en Août 1999, signifiant prise de conscience…comme vous auriez pu le deviner ! »

 

                                                                                              Mai 2000.

A Paris Pyrénées chez Didige et Nico.

Recorrection rapide 12/2002