« Quand les singes prennent le thé » Frans de Waal, Ed° Fayard, coll° le temps des sciences, 2001.

 

-         « L’homme est programmé de telle manière qu’il a besoin d’une culture qui le complète. Elle n’est pas une alternative à l’instinct, ou un moyen de le remplacer, mais sa conséquence et son supplément. » Mary Midgley, 1979. P. 9

 

-         « mais pour les scientifiques, « culture » signifie simplement généralement, mais toujours, les aînés. Cela explique que deux groupes appartenant à la même espèce puissent se comporter différemment. La culture impliquant un apprentissage, il nous faut exclure la possibilité que chaque individu ait acquis de lui-même une caractérisitque particulière, avant de pouvoir la dire culturelle. » p. 11

 

-         « Rappelons-nous, pourtant, qu’en eux-mêmes les gènes sont comme des graines tombant sur un trottoir : incapables de produire quoi que ce soit. Qu’un trait soit hérité signifie simplement qu’une part de sa variabilité est due à des facteurs génétiques. On oublie parfois que l’environnement permet d’expliquer tout autant de choses. » p. 12

 

-         « Le primatologue suisse Hans Kummer le remarquait voilà bien longtemps : vouloir déterminer ce qui, dans une caractéristique donnée, est l’effet des gènes ou de l’environnement revient à se demander si le son d’un tambour entendu au loin est dû au musicien ou à son instrument. Si toutefois il évolue, nous pouvons légitimement nous demander s’il y a eu changement de tambour ou de percussionniste… Telle est la seule question que se pose la science en ce domaine. » p.12

 

-         « (…) notre espèce est le produit de la sélection naturelle, y compris dans ces capacités culturelles : la culture fait partie de la nature humaine. » p. 12

 

-         La relation entre nature et culture ma rappelle la vieille histoire de la souris et de l’éléphant traversant un pont de bois ; la souris s’écrie par-dessus le vacarme : « Quel bruit on fait ensemble, quand même ! » » p. 13

 

-         « (…) ce terme [imitation] est de plus en plus réservé à des cas où la solution est copiée après compréhension du problème, mais aussi des intentions du modèle. L’« imitation » ne représente donc qu’une faible partie de l’apprentissage social, et ne s’applique peut-être ni ax rats, ni aux chats, voire aux singes. » p.20-21.

 

-         « Toute imitation est la combinaison d’une idée générale empruntée à d’autres, et d’une pratique individuelle visant à affûter la compétence en question. » p. 21

 

-         « Une définition assez lâche comporte d’ailleurs un avantage supplémentaire : on peut considérer un phénomène donné dans toute son ampleur. On pourra toujours définir le langage de manière assez étroite pour en exclure les babillages d’un petit enfant. Cela signifie-t-il pour autant qu’ils n’ont rien à voir ? Procéder ainsi, c’est négliger les phénomènes mixtes, ou précurseurs, et souvent ne voir que la pointe émergée de l’iceberg. C’est ainsi qu’en affirmant, comme certains, qu’on ne peut parler de culture en absence d’enseignement, on exclut aussitôt une multitude de caractéristiques culturelles humaines. Nombre d’habitudes sont acquises sans aucun mode d’apprentissage ; il suffit simplement d’être exposé en permanence à un contexte culturel particulier. La chaleur, la spontanéité, dont nous témoignons face aux autres, la manière dont nos papilles gustatives réagissent aux épices, la recherche du consensus plutôt que de la confrontation, le caractère mélodieux et le volume sonore de nos voix : tout cela est si profondément gravé en nous que nous y voyons une « seconde nature ». Pourtant, ce sont des phénomènes fortement culturels, bien qu’ils n’exigent aucun apprentissage actif. » p. 28

 

-         « Elle n’a jamais été complète (nous n’avons nullement laissé la nature derrière nous), ni très différente, du moins au départ, des traditions comportementales des autres animaux. Que nous soyons la seule espèce dont la survie dépende de la culture est une idée fausse, et vouloir la juxtaposer à la nature repose sur un gigantesque malentendu. » p. 30

 

-         « Quel est le plus petit dénominateur que l’on considère comme culturel ? De mon point de vue, ce ne peut être que la diffusion, d’ordre non génétique, d’habitudes et d’informations. » p.32

 

-         « la culture est un mode de vie partagé par les membres d’un groupe, mais pas forcément avec ceux d’autres groupes de la même espèce. Elle recouvre le savoir, les habitudes, les compétences, tendances et préférences sous-jacentes comprises, dérivés de la fréquentation des autres et l’apprentissage auprès d’eux. Chaque qu’en ce domaine des variations systématiques entre groupes ne peuvent être attribuées à des facteurs génétiques ou écologiques, elles sont probablement culturelles. La manière dont les individus apprennent les uns des autres est secondaire, mais ce qu’ils acquièrent ainsi est un préalable fondamental. C’est ainsi que le terme de « culture » ne s’applique pas à un savoir, des habitudes ou des compétences que les individus acquièrent seuls. » p. 32

 

-         « L’anthropomorphisme est un risque qu’il nous faut courir, car nous devons nous référer à notre expérience humaine pour pouvoir formuler des questions sur celle des animaux… Le seul « remède » disponible est une critique incessante de nos définitions de travail, afin de fournir des réponses plus adéquates à ces questions, et à cet embarrassant problème que les animaux nous présentent. » p. 40

 

-         « Si, dans certains milieux scientifiques, elle a mauvaise réputation, c’est en raison de la manière dont nous nous voyons nous-mêmes par rapport à la nature – c’est un des grands thèmes de ce livre. Non que l’anthropomorphisme interfère avec la science ; mais il reconnaît la continuité entre humains et animaux. Et dans la tradition occidentale, tout cela est bon pour les enfants, mais pas pour les adultes. » p. 60

 

-         « Dès qu’on dit qu’un animal agit intentionnellement, c’est à dire délibérément, en vue d’un objectif, tout le monde crie à l’anthropomorphisme. Il est vrai que l’intentionnalité est un concept redoutable – mais c’est vrai aussi des humains. Sa présence est aussi difficile à prouver que son absence ; la prudence serait parfaitement acceptable, s’agissant des animaux, si nous en faisions autant pour les humains. Mais, bien entendu, il n’en est rien. » p. 61

 

-         « Un groupe de pigeons fut ainsi récompensé après avoir picoré des reproductions de peintures de Monet, un autre pour avoir fait de même avec celles de Picasso. Une fois cette période de formation terminée, ils se virent présenter de nouvelles œuvres qu’ils n’avaient encore jamais vues, dues évidemment aux mêmes artistes. Ils se montrèrent parfaitement capables de généraliser. Un pigeon formé avec les Demoiselles d’Avignon et la Femme nue au peigne de Picasso picora également la Femme regardant dans le miroir et la Nature morte espagnole, du même auteur. Ses congénères formés avec Monet réussirent tout aussi bien face à d’autres toiles du peintre. On ne peut penser que les pigeons savent qu’une image en deux dimensions est une représentation du monde réel. Il est donc peu probable qu’ils soient basés sur des objets reconnaissables pour nous (ainsi des femmes par opposition à des fruits). On doit donc en conclure qu’ils se repéraient en fonction des rapports de couleurs, non de la présence ou de l’absence de lignes bien nettes. Toutefois, quand Watanabe leur présenta des reproductions en noir et blanc des toiles, ou d’autres dont les contours étaient flous, ils réussirent tout aussi bien.

Il y a plus ! Quand les mêmes oiseaux se virent demander de picorer des reproductions de tableaux de la même époque, ils choisirent, selon leur formation, soit d’autres impressionnistes, comme Renoir, soit d’autres cubistes, ainsi Braque. Les pigeons sont donc capables de reconnaître non seulement des styles individuels, mais des écoles picturales ! Watanabe pense qu’ils font, comme nous, des distinctions visuelles très complexes, recourant en même temps à tous les indices à leur disposition. Le fait demeure qu’ils reconnaissent les peintres mieux que bien des visiteurs du musée d’Orsay ! » p. 150-151

 

-         « Si la culture est la transmission, par des moyens sociaux d’informations et d’habitudes, alors elle est très répandue dans la nature. Les animaux n’ont peut-être ni langage ni symboles, mais ils développent des techniques nouvelles, ont des préférences alimentaires, des signaux de communication et autres habitudes que les jeunes apprennent des aînés (ou l’inverse). Il s’ensuit qu’un groupe donné peut se comporter très différemment d’un autre, si bien qu’on ne peut plus affirmer que la culture est une prérogative exclusivement humaine. » p. 163

 

-         définition de culture d’Imanishi = « un comportement ajustable socialement transmis ». p. 184

 

-         « La persistance d’une habitude, bien après la mort de celui qui l’a initiée, est une des caractéristiques de la culture. » p.193

 

-         « une vieille règle scientifique dit qu’il ne faut pas confondre absence de preuves et preuve d’une absence. » p. 202

 

-         « L’apprentissage social chez les primates est le fruit du conformisme : le besoin d’appartenir au groupe, d’y être à sa place. Pour donner un nom à ce processus, et souligner qu’il favorise certains modèles sociaux, je le nommerai AOLI : Apprentissage Observationnel par Lien et Identification. (…) l’AOLI est une forme d’apprentissage issue du désir d’être comme les autres. Certains modèles sociaux sont copiés un peu comme un jeu, de manière souvent imparfaite. » p. 210

 

-         « Les tendances conformistes seront choisies par la sélection naturelle dans la mesure où elles contribuent à la survie. On a même fait valoir que le désir d’agir comme les autres, et la capacité de les copier, ont évolué en tandem, permettant ainsi aux individus de tirer pleinement profit du savoir et des habitudes adaptatives qui les entourent. » p. 211-212

 

-         Citation d’Alfred Kroeber : «  Une idée préconçue très courante veut que la culture soit progressiste. « Le progrès de la civilisation » est une phrase familière, presque un cliché. On qualifie de « rétrogrades » les peuples primitifs. Tout cela sous-entend un mouvement continu vers l’avant.

En fait, l’idée de progrès est elle-même un phénomène culturel qui n’est pas sans intérêt. Aussi étrange que cela puisse nous paraître, la plus grande part de l’humanité, pendant presque toute son histoire, n’a jamais partagé une telle conception. Un monde fondamentalement statique, une humanité qui l’était presque autant : voilà ce à quoi on avait le plus de croire. Si l’on avait conscience d’un changement, un déclin depuis l’âge d’or des débuts avait autant de chances d’être invoqué qu’un progrès. » p. 214

 

-         « Mais ne restreint-elle [la culture] pas notre liberté tout autant (ou tout aussi peu) que la biologie ? Et d’où viennent donc nos capacités culturelles ? Ne jaillissent-elles pas de la même source que ce qu’on appelle les instincts ? Apprentissage et capacités cognitives étant si évident chez les chimpanzés, comment peut-on les dire « instinctifs » ? » p. 215

 

-         « L’empreinte culturelle est souvent l’effet d’une simple exposition à certaines conditions, et de la force de l’habitude. » p. 216

 

-         « C’est la culture telle qu’elle s’exerce dans nos vies quotidiennes : un très large ensemble d’influences sur les coutumes, les habitudes, les goûts, les attitudes et les sensibilités. » p. 216

 

-         Culture = « une transmission comportementale non génétique. » p. 216

 

-         « (…) l’apprentissage culturel est indifférent aux récompenses ; il s’agit pour chacun d’être à sa place. L’identification avec les autres, le désir de se conformer aux règles, sont des tendances que nous reconnaissons sans peine chez nous. » p. 217

 

-         Citation de John Bonner : «  Certaines formes d’information ne peuvent être transmises que par le biais des comportements. Et si cette transmission est adaptative, alors il ya aura de fortes pressions sélectives en faveur de la culture. » p. 219

 

-         « Pourtant dans l’esprit de certains, parler de transmission culturelle, c’est parler de mèmes. Le terme compare la copie de l’information culturelle à la manière dont les gènes, au fil des générations, transmettent des copies d’eux-mêmes. Les mèmes sont ainsi des paquets d’informations, qui se diffusent ou non, de la même manière que certains gènes se répliquent mieux que d’autres. » p. 241

 

-         « Ironiquement l’idée lamarckienne de caractères acquis a trouvé sa confirmation non dans les caractères physiques auxquels pensait Lamarck, mais dans le comportement. Les prédispositions génétiques nourrissent la culture, celle-ci affecte la survie qui, avec la reproduction, déterminera quels génotypes se diffusent dans la population. En d’autres termes, il existe un jeu réciproque entre transmission génétique et culturelle. » p. 242

 

-         « On toutes les raisons de croire que certains animaux ont franchi une limite : la lutte pour la vie est remportée, en partie du moins, par un apprentissage auprès des autres. Ils n’ont plus besoin de découvrir seuls quels prédateurs sont dangereux, comment accéder à la nourriture, comment se soigner eux-mêmes, et ainsi de suite. Ils tirent parti du savoir accumulé au sein de leur famille et de leur groupe. » p. 246

 

-         « (…) il y a beaucoup de nature dans la culture, et inversement. » p. 246

 

-         cf biblio Caroline Hebard : travail sur chiens. Chiens de sauvetage affecter « moralement » par la découverte continue de cadavres suite à un tremblement de terre. P. 295.